Inès Allag et María Angélica Mejía Cáceres ont un point commun : elles travaillent à repenser les manières d’apprendre et d’enseigner, et en parlent avec passion. Rencontre de deux femmes engagées en ingénierie et innovation pédagogiques au sein de l’Institut des Défis (IDD), porté par le Learning Planet Institute et l’Université Paris Cité.
Parcours internationaux, réflexions d’enseignantes
Inès Allag a sillonné de nombreux pays et s’est confrontée à des modes d’éducation différents. Elle a passé toute sa scolarité en France, et estime ne pas être très compétente en traduction anglaise. Pourtant, à l’occasion d’un échange universitaire en Turquie, son professeur de traduction sur place la complimente pour son travail et lui demande même d’enseigner ! C’est le baptême du feu pour Inès, pour qui l’aventure dans le domaine de l’éducation commence. Au cours de ses voyages, elle expérimente de nouvelles façons d’enseigner, comme en Nouvelle-Zélande, où elle utilise les outils numériques pour animer ses cours de français.
Le retour en France la confronte à une réalité toute autre et, après un bref passage dans l’Éducation Nationale, Inès décide de se former à l’ingénierie pédagogique. « En tant que professeure, je chérissais particulièrement la liberté pédagogique, le fait de pouvoir créer mes séquences moi-même. Je souhaitais donc exercer un métier lié à la création de structures de cours, et, en cela, l’ingénierie pédagogique répondait à mes besoins ». Inès devient ingénieure pédagogique en 2022, et intègre l’Institut des Défis dans la foulée.
C’est également son expérience de l’enseignement qui pousse María Angélica Mejía Cáceres à s’intéresser à l’innovation pédagogique. « Je suis Colombienne, et j’ai fait un bachelor et un master en éducation et en sciences (biologie, chimie et physique) – en particulier en éducation environnementale. » María Angélica poursuit avec un doctorat en éducation en sciences et santé au Brésil, avec un objectif : former les enseignant·es à l’éducation à l’environnement. Elle enseigne en primaire, dans le secondaire puis à l’université.
Lors d’un voyage en Allemagne en tant que professeure invitée, María Angélica découvre le Learning Planet Institute par hasard sur internet. Elle se sent alors à sa place : « Le travail sur l’environnement, l’éducation et le contexte multiculturel m’ont tout de suite interpellée », explique-t-elle. María Angélica rejoint Inès et l’équipe de l’Institut des Défis en février 2024, pour prendre en charge le volet innovation pédagogique du projet.

Ingénierie et innovation pédagogiques : deux approches au coeur de l’ADN du Learning Planet Institute
Si Inès et María Angélica croisent la route du Learning Planet Institute, où elles travaillent aujourd’hui, ce n’est pas totalement par hasard. Des dispositifs pédagogiques innovants tels que Bâtisseurs de Possibles, aux méthodologies développées dans le cadre de projets inclusion (HOP!), en passant par la co-conception de maquettes des formations académiques ainsi que par les formations des enseignant·es aux nouvelles approches pédagogiques et collaboratives, tous ces programmes témoignent de la place centrale de l’ingénierie et de l’innovation pédagogiques à l’Institut.
« L’ingénierie pédagogique, c’est l’art de créer des formations pour répondre avant tout aux besoins des apprenants », souligne Inès, dont c’est le métier. « Cela implique de sélectionner des ressources spécifiques, de choisir des méthodes d’enseignement adaptées, et de sélectionner des outils adéquats. », précise-t-elle. « En parallèle, il y a l’ingénierie de formation, qui va au-delà du simple contenu pédagogique : la partie organisationnelle et logistique est aussi à prendre en compte. C’est de l’ingénierie à un niveau plus méta. »
Pour Inès, l’ingénierie et l’innovation pédagogiques sont complémentaires. « D’ailleurs, à mon sens, le mot « innovation » n’est pas forcément adapté. On s’aperçoit que ce sont d’anciennes méthodes – comme la méthode socratique – qui fonctionnent et sont réutilisées en classe ». María Angélica acquiesce en souriant. « Notre point commun, c’est de repenser les méthodologies de l’enseignement traditionnel en trouvant des stratégies pédagogiques alternatives. Par exemple, on fait en sorte que les étudiant·es soient plus engagé·es en créant un environnement plus participatif et plus collaboratif, on fonctionne davantage en pédagogie de projet, on mêle art et science dans les apprentissages… »
L’Institut des Défis, laboratoire d’expérimentation pédagogique
Au sein de l’Institut des Défis (IDD), Inès et María Angélica ne manquent pas de missions. « Tu nous demandais à quoi ressemblait une journée type dans nos métiers, il n’y en a aucune ! », se réjouissent-elles. Co-créé en 2020 par l’Université Paris Cité et le Learning Planet Institute, cet institut interdisciplinaire a un rôle : concevoir de nouveaux enseignements et des approches pédagogiques pour accompagner les transitions écologique et sociétale dans l’université et la cité. Un chemin parcouru de réussites, de challenges et d’échecs, qui a permis de connecter l’université, la ville, et les acteurs de la société civile autour de projets et d’enjeux liés à la durabilité. Depuis sa création, l’IDD a vu naître 8 programmes expérimentaux dans des domaines tels que le numérique, la pédagogie et l’enseignement.

Former autrement : entre pédagogie de projet et mentorat
María Angélica et Inès n’ont pas totalement rangé leur casquette d’enseignante, bien au contraire. Elles ont toutes les deux travaillé à la conception de la maquette pédagogique du nouveau Master AIRE sur la santé planétaire, en collaboration avec l’équipe pédagogique du master et des étudiant·es. « Nous avons œuvré à concevoir une maquette cohérente, en nous appuyant sur les retours des étudiant·es. C’est très important pour pouvoir améliorer notre approche à chaque fois. », explique María Angélica.
En Master 1, elle dispense d’ailleurs un cours de sciences de la durabilité. « Seize nationalités sont représentées dans ce Master, et nous avons pris en compte la demande des étudiant·es dans cette matière : ils avaient besoin d’une approche certes biologique mais aussi (multi-) culturelle de l’environnement. Aujourd’hui, nous utilisons la pédagogie de projet dans ce cours : les étudiant·es identifient une problématique qui leur parle, qui leur tient à cœur, et essaient de trouver une solution. »
Inès ajoute : « C’est ici que notre complémentarité ingénierie/innovation est forte. Dans ce cours par exemple, j’ai conseillé sur la méthodologie à adopter en pédagogie de projet en anticipant ce qu’il fallait mettre en place pour réussir, et en accompagnant également le programme de mentorat. »
Au sein du Master AIRE, les étudiant·es sont mentoré·es et le rôle de mentor ne s’improvise pas, souligne Inès, qui a pu développer des compétences sur le sujet au sein de l’IDD. « Même de bon·nes professeur·es ne sont pas forcément de bon·nes mentors ! En ingénierie pédagogique, tout ce qui est censé être évident, on le remet en question. On pense souvent qu’une personne experte dans un domaine va pouvoir l’enseigner, c’est faux. La pédagogie, ça s’apprend. On est là pour ça, pour guider les mentors, pour guider les enseignant·es. »
Créer des ponts entre les enseignants et les disciplines
Guider les enseignant·es, c’est une chose, les mettre en lien en est une autre. « Tout est souvent très siloté entre les matières au sein de l’université », explique Inès. « Nous essayons de casser les murs et d’ouvrir un peu plus pour bâtir des ponts entre les enseignant·es, les faire réfléchir ensemble et partager leurs pratiques sur la mise en place de pédagogies par exemple. ». Pour répondre à l’isolement des professeur·es, l’IDD a notamment fondé une communauté de pratiques, PédaGo!, qui se réunit pour débattre d’une problématique pédagogique et partager des expériences et des bonnes pratiques. « L’IDD a planté la graine », précise María Angélica, et PédaGo ! continue de vivre en autonomie.
Ces programmes ne sont que des exemples. L’équipe de l’Institut des Défis a récemment travaillé à la publication du guide iN&Di, document qui témoigne de la démarche de création, par l’IDD, d’un programme intersectionnel de sensibilisation à l’inclusion et à la diversité.
Une communauté en mouvement pour repenser l’éducation
Sans aucun doute, Inès et María Angélica sont passionnées lorsqu’elles parlent de leur travail. Toutes deux soulignent la chance qu’elles ont d’être à la croisée des disciplines et de pouvoir se former à de nombreuses compétences (marketing, numérique, gestion de projets, formation…). Elles s’estiment aussi chanceuses de la liberté de créativité qu’elles peuvent développer. « Ici, au Learning Planet Institute, l’espace est donné à chacun.e d’être créatif·ve, de faire à sa façon, et cela donne naissance à de belles choses. »
En savoir plus
👉 En savoir plus sur l’Institut des Défis
👉 En savoir plus sur le pôle Éducation du Learning Planet Institute
Un article écrit par Marie Ollivier
Merci à Inès Allag et María Angélica Mejía Cáceres d’avoir répondu à nos questions