Fin de la Licence FdV : une expérience collective unique
Après 13 ans d’existence et 11 promotions, la formation Licence Frontières du Vivant est arrivée à son terme en juillet 2024. Interview de Mahendra Mariadassou.
13 09 2024
Fin de la Licence FdV : une expérience collective unique

Fondée sur une approche interdisciplinaire des sciences du vivant, la licence “Frontières du Vivant” (FdV), programme d’Université Paris Cité hébergé au Learning Planet Institute, a formé, depuis sa création en 2011, plus de 300 étudiant·es et vu naître tout autant de projets.

L’importance du travail de groupe, l’apprentissage par la recherche et par les pairs, la disponibilité de l’équipe pédagogique et des enseignant·es, les feedbacks collectifs ou encore l’accès à des infrastructures originales ont fait de la Licence une formation universitaire aux méthodes pédagogiques innovantes. Les étudiant·es y ont acquis un socle solide de connaissances scientifiques mais surtout ils/elles y ont développé le goût de la réflexion et de l’innovation, leur conférant ainsi une grande autonomie dans leur capacité à apprendre et à s’adapter, gage de réussite dans la poursuite de leurs études et/ou de leur insertion professionnelle.

Après 13 ans d’existence et 11 promotions, la formation expérimentale FdV est arrivée à son terme en juillet 2024. C’est avec fierté, émotion et une pointe d’humour que son directeur des études, Mahendra Mariadassou, revient sur cette expérience collective unique.

Bonjour Mahendra, pouvez-vous vous présenter ? 

Je m’appelle Mahendra Mariadassou. Après une formation et une thèse en mathématiques appliquées, je suis devenu en 2010 chercheur dans l’unité MaIAGE, un laboratoire de recherche en mathématiques et informatiques appliquées du centre INRAE de Jouy-de-Josas. Mes recherches portent sur le développement de méthodes pour analyser et comprendre les données issues de la microbiologie, en particulier les microbes à l’origine de fermentations alimentaires (vins, fromages, etc). Mon focus sur les données ne permet pas, à mon grand malheur, de goûter aux échantillons inutilisés, contrairement à certain·es collègues ! 

Une liberté pédagogique séduisante

Quel a été votre parcours et votre rôle au sein de la Licence Frontières du Vivant ? 

En parallèle de mon métier de chercheur, j’interviens dans la Licence depuis sa création en Septembre 2011. Il faut savoir que je suis un ancien du Master Approches Interdisciplinaires de la Recherche et de l’Enseignement (ex-AIV) et que l’idée d’intervenir dans une formation de l’Institut m’a tout de suite plu. J’ai été contacté en 2010, lors de la construction de la maquette par Livio Riboli-Sasco (un camarade d’AIV justement) pour y enseigner et coordonner les cours de mathématiques de première année, ce que j’ai fait durant toute la durée de la Licence. A partir de 2014, j’ai commencé à m’impliquer au-delà des seuls enseignements en prenant part aux différents évènements (sélection des futures promotions, salon de présentation de la formation, JPO, etc). Enfin, début 2017, Patricia Busca et Antoine Taly (à l’époque respectivement directeurs des études de L1 et L2/3) m’ont proposé de les rejoindre en devenant directeur des études pour la L3, avec le double objectif de relancer le semestre international et de décharger Antoine de la L3.

Quelles sont les raisons qui vous ont amené à relever ces challenges ? 

De multiples raisons de natures très différentes ! La proposition de Livio d’intégrer une formation interdisciplinaire avec une grande liberté pédagogique pour enseigner un peu différemment m’a séduit. Et l’idée de rendre à la communauté du Learning Planet Institute (ex-CRI) ce qu’elle m’avait offerte à l’époque d’AIV (même si techniquement l’Institut n’existait pas encore et qu’on faisait les réunions du master dans la cafétéria de l’ENS) pour “m’acquitter de ma dette” était également très plaisante. Pour le poste de directeur, c’est au final la double envie de prolonger le contact avec les étudiant·es au-delà de la première année et le défi de réfléchir avec les collègues à un programme cohérent sur un semestre entier (le fameux semestre international) qui m’a motivé.

Un terrain de jeu unique pour apprenti·es chercheur·euses

Qu’est-ce que l’Institut a pu offrir aux étudiant·es qu’ils/elles n’auraient pu trouver ailleurs ?

Vaste question, dont la réponse varie au fil du temps. Les premières années ont offert aux étudiant·es un formidable terrain de jeu, unique à l’époque, avec des spécificités fortes : enseignement interdisciplinaire avec une grande importance des projets et du travail de groupe, méthodes pédagogiques innovantes (classe inversée, apprentissage par les pairs, etc.), équipe pédagogique et enseignant·es disponibles, échanges réguliers (feedbacks collectifs) sur les enseignements pour les faire évoluer, accès à des infrastructures originales pour un cursus universitaires (MakerLab), cadre d’enseignement atypique (tour Montparnasse, campus Charles V). Toutes ces particularités ont permis de créer des collectifs très soudés chez les étudiant·es, avec de nombreux souvenirs et expériences partagés, qui sont encore visibles aujourd’hui lorsqu’ils se retrouvent (comme on a pu le constater lors de l’événement Goodbye Licence!). Les promotions plus récentes ont bénéficié du même accompagnement et des mêmes conditions mais avec des enseignements plus aboutis, ayant déjà bénéficié de plusieurs années de retours et d’améliorations. 

Quelles évolutions avez-vous vu justement au fil des années ? 

La Licence de 2024 (celle qui ferme ses portes) a beaucoup évolué par rapport à celle de 2011. Nous avons amendé et modifié la maquette à plusieurs reprises avec deux grandes tendances de fond. Tout d’abord, permettre aux étudiant·es d’être les acteur·rices de leur parcours de formation en multipliant les possibilités de valider des crédits pour des activités non-académiques (via des UE libres) et de valoriser leurs expériences extra-académiques (stages, écoles d’été, engagement associatif, etc.) via un supplément au diplôme tout en maintenant un socle d’enseignements scientifiques. Et ensuite, recentrer une partie des enseignements sur les Objectifs de développement durable (ODD) pour répondre aux aspirations des étudiant·es et plus largement à la demande sociétale. Ce recentrage prend surtout la forme de projets étudiants, permettant à ces dernier·es d’explorer les thématiques qui les intéressent le plus. 

© Antonin Weber / Hans Lucas

Plus de 300 étudiant·es à l’esprit critique aiguisé

Quel impact pensez-vous que la Licence a eu dans les trajectoires professionnelle et personnelle des étudiant·es qui y ont étudié ? 

L’organisation particulière de la Licence, avec deux premières années généralistes suivies d’une troisième de spécialisation permet aux étudiant·es de définir progressivement leurs envies et apporte un vrai plus pour leurs candidatures en Master. Les ancien·nes mentionnent également une plus grande ouverture à l’international (grâce au stage et au semestre d’échanges), une plus grande autonomie, un esprit critique plus développé et de meilleures compétences de communication (grâce aux projets et travaux de groupe) que leurs camarades de Master. 

En termes quantitatifs, avez-vous quelques chiffres-clés à nous partager ? 

Les étudiant·es et collègues me font une réputation d’homme de chiffres mais j’ai dû plonger dans mes tableaux Excel pour répondre ! La Licence, c’est plus de 300 étudiant·es formé·es depuis 2011 (dont ⅔ de femmes, 18% de boursier·es et 8% d’internationaux) qui ont créé plus de 300 projets sur la plateforme Projects (utilisée systématiquement à partir de 2017) et qui ont continué en Master à 90% (les 10% restants étant essentiellement des réorientations en cours de Licence). À plus long terme, nos diplômé·es préparent ou ont soutenu 26 thèses (dont 5 dans l’École doctorale FIRE), même s’il est difficile d’être exhaustif. Mais la Licence, c’est aussi 144 enseignant·es, dont 45% de femmes, qui se sont succédé·es en face des 11 promotions, et 600 dossiers à évaluer pour sélectionner la promotion en 2019. Enfin, à titre plus personnel, c’est 186 lettres de recommandations écrites en tant que directeur !

Des souvenirs partagés inoubliables

Gardez-vous en mémoire un projet spécifique que vous avez mené de front ?

Le passage de la Licence sous Parcoursup en 2019. Il a fallu changer en un temps record tous nos processus de recrutement pour faire face à la multiplication des candidatures (600 contre 200 les années précédentes) et à la très forte compression du calendrier (3 semaines pour l’examen des dossiers, les entretiens et la remontée du classement final). Ce fut un exercice de haute-voltige, sans filet et avec quelques figures acrobatiques, mais qui s’est bien passé tant pour nos enseignant·es que pour nos candidat·es. Et l’expérience acquise cette année nous a permis d’aborder le même exercice bien plus sereinement les années suivantes. 

Avez-vous une anecdote à nous partager ? 

Le déménagement entre l’ancien campus rue Charles V et la Tour Montparnasse a eu lieu en cours d’année académique. Je donnais le premier cours post-déménagement aux étudiant·es de L1 un lundi matin à 9h. La découverte des locaux et l’arrivée dans la salle de cours du 20è étage, avec sa vue sublime sur Paris et les toits de la rive gauche a constitué le test ultime de mes capacités d’abnégation en tant qu’enseignant. J’ai pris sur moi et fait illusion mais je n’avais, comme les étudiant·es surexcité·es dans la salle, qu’une seule envie : succomber à la curiosité et parcourir l’étage pour admirer la vue sous tous les angles (ce que j’ai fini par faire avec elleux, après avoir fortement écourté mon cours !). 

Un événement vous a-t-il marqué particulièrement ?

J’ai beaucoup apprécié les deux événements qui ont permis de mélanger différentes promotions et m’ont permis de revoir des ancien·nes : LFDV Big Bang en Juin 2022, organisé par Clément Caporal, pour les 10 ans de la Licence et Goodbye Licence! (avec une généreuse contribution de l’équipe communication de l’Institut, merci la com !) en Juillet 2024 pour marquer la clôture de la formation. J’ai été très content de voir tant de monde présent à cette dernière malgré une organisation et des invitations tardives. Ce fut également l’occasion de sortir de ma zone de confort en évoquant mes souvenirs de la Licence face caméra [ndlr : voir vidéo en bas de l’article] et de me venger de ladite com en les aspergeant de champagne ! Mais je garde surtout comme souvenir de la soirée des visages souriants, des échanges chaleureux et des gens contents d’être là et d’être passés par la Licence. 

Une expérience collective enrichissante

Qu’est-ce qui vous a plu le plus tout au long de ces années ?

Sans hésiter, le contact avec les étudiant·es et les collègues : enseignant·es, coordinateur·rices et salarié·es de l’Institut. La conception collective du semestre international autour de la biologie quantitative préparé et lancé avec Virginie Chomier, coordinatrice pédagogique, à la rentrée 2019 (et malheureusement tué après sa première itération par la pandémie et les limitations de circulation) fut une expérience très riche. De même, interagir avec les étudiant·es en les voyant évoluer au cours des trois années de formation, donner des conseils à celleux qui en demandent et constater qu’on a eu un impact positif sur la trajectoire de certain·es étudiant·es restera une de mes plus grandes sources de satisfaction dans la Licence.

Aimeriez-vous ajouter quelque chose pour clore cet entretien ?

Oui, j’ai présenté ma vision et mon rôle ces dernières années mais la Licence n’aurait pas existé sans un grand nombre d’acteur·rices, au premier rang desquels les étudiant·es et les enseignant·es. De même, l’écosystème du Learning Planet Institute a à la fois permis à la Licence d’exister et lui a fourni des opportunités pédagogiques en or (projets avec les research fellows). Passer directeur a renforcé mon appréciation du travail de mes co-directeur·rices (Antoine Taly, Vincent Dahirel, Patricia Busca, Jean-Christophe Thalabard) et des différents coordinateur·rices (Emilia Koulinska, Typhaine Moisan, David Jung, Emma Raharilantosoa, Naëma Boudour, Solène Diamanti) qui se sont envolé·es vers d’autres horizons. Et je me dois évidemment de mentionner Virginie Chomier, avec qui j’ai eu la chance et le plaisir de travailler durant toutes ces années, et que je remercie très chaleureusement d’avoir clôturé la Licence avec moi dans de bonnes conditions.


Focus sur l’événement Goodbye Licence !

Étudiant·es, enseignant·es, équipe pédagogique et alumni se sont réuni·es le 9 juillet 2024 sur le campus de l’Institut pour célébrer ensemble la fin du programme lors de l’événement Goodbye Licence!. L’occasion pour les un·es et les autres de se retrouver lors d’un moment festif mais également de passer devant la caméra pour raconter leurs souvenirs les plus marquants !

More news